Décrochage scolaire : symptômes, solutions et arguments pour ne pas quitter l'école
Il y a quatre fois moins d’élèves qui abandonnent leur scolarité en France depuis 40 ans. Néanmoins, le phénomène est toujours d’actualité et « pèse» de tout son poids sur les familles qui y sont confrontées. Quels sont les symptômes révélateurs chez les élèves en décrochage ? Quelles sont les approches, attitudes possibles pour prévenir le découragement qui aboutit à l’abandon pur et simple de la scolarité ?
Plan de l'article
Définition et différences avec la démotivation
Le décrochage scolaire se définit par la « non-poursuite d’études avant d’avoir achevé une formation secondaire complète » (fin d’étude anticipée), donc sans avoir obtenu un niveau équivalent au baccalauréat ou un diplôme à finalité professionnelle tels qu’un CAP ou un brevet professionnel. L’abandon scolaire peut être précédé par une période de démotivation scolaire qui, elle, se définit comme “un désengagement visible du jeune dans les activités scolaires et pour ce qui touche à l’apprentissage de manière générale” (Education Cognitive).
Les chiffres du décrochage en France
8 élèves sur 100 décrochent contre 40 dans les années 80
Mesuré chaque année au niveau national, le décrochage scolaire ne cesse de diminuer et c’est une bonne nouvelle. Dans les années 1980, la part des jeunes de 18-24 ans non scolarisés et avec au mieux le brevet d’études atteignait les 40 %.
En 2023, le taux d’abandon était descendu à 7, 6 % contre 11, 3 % en 2010 selon la Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (Depp). Un chiffre inférieur à la moyenne des États membres de l’Union européenne (9,7%).
Les conséquences de la sortie anticipée du système scolaire
Le sujet reste cependant très sensible et maintenu sous la vigilance de la communauté éducative et de l’Etat. Car, si ce constat n’est pas systématique, l’abandon scolaire peut entraîner des conséquences difficiles à la fois dans la sphère privée et familiale mais aussi pour la société :
- risque d’isolement social et de marginalisation plus important,
- échec de l’orientation professionnelle,
- équilibre familial impacté,
- santé mentale fragilisée,
- perte de repères
- et coûts pour la société.
C’est pourquoi passer sous la barre des 10 % de décrochage est le fruit d’une mobilisation collective des établissements et de l’Etat (9% pour les objectifs 2030 en Europe).
Portrait robot de l’élève à risque
Dans cet article de l’Étudiant, on apprend que les étudiants plus à risque de sortie précoce du système scolaire sont :
- Les adolescents plutôt que les adolescentes (9,6% des jeunes hommes de 18-24 ans décrochent VS 6,1% des jeunes femmes)
- ⅔ des décrocheurs sont issus de la filière d’enseignement professionnel
- Les CSP des parents jouent aussi : plus le milieu social est défavorisé, plus les risques de décrochage sont grands. Comme le montre le graphique ci-dessus, la part de jeunes entrés en 6e en 2007, titulaires au mieux du brevet dix ans plus tard, est nettement plus importante chez les élèves dont les parents sont sans emploi (38%), ouvriers non qualifiés (19%) ou employés (13%), que ceux dont les parents sont enseignants, cadres ou exercent une profession libérale (4%).
- Les inégalités scolaires territoriales jouent aussi : certains départements et régions sont moins à risque et d’autres beaucoup plus (DOM-TOM, Aisne, Yonne, Occitanie).
La Semaine de la Persévérance Scolaire
Depuis une dizaine d’années, « La semaine annuelle de la persévérance scolaire », inspirée du modèle pédagogique québécois, est mise en place par certaines Académies en France. Il s’agit d’attirer l’attention de tous les acteurs de l’enseignement et des élèves, encourager la solidarité au sein de la communauté éducative et redonner espoir et motivation à tous les jeunes qui se trouvent dans une situation à risque.
Les raisons fréquentes du décrochage scolaire
Plusieurs facteurs expliquent les raisons d’un abandon scolaire par un jeune. Elles tiennent à la fois à sa personnalité, sa motivation, son équilibre émotionnel mais elles peuvent être extrinsèques à lui : conditions et qualité de l’enseignement, climat scolaire, niveau académique exigé, et le milieu socio-économique auquel il appartient.
Les difficultés scolaires
Les premières raisons du décrochage sont les difficultés d’apprentissage et elles peuvent se déceler dès l’entrée au collège. Si l’élève passe de classe en classe sans maîtriser ses acquis, il risque d’accumuler du découragement et se désengager. D’ailleurs, les transitions entre différents niveaux d’éducation sont des passages à risques : les périodes de 6e et de 2nde sont particulièrement délicates, car il s’agit de moments où les élèves peuvent se sentir perdus.
Par ailleurs, un « mauvais » élève est bien trop souvent stigmatisé, ce qui peut bien-sûr aggraver sa démotivation scolaire. Le cercle infernal peut alors le conduire à « jeter l’éponge », souvent en 3e avant l’épreuve du brevet ou en seconde lorsque l’orientation doit se préciser.
2. L’élève n’aime pas l’école
Le deuxième motif d’abandon est tout simplement un manque d’intérêt pour les matières scolaires enseignées : l’élève ne trouve aucun sens ni aucun plaisir à apprendre des matières académiques.
3. Les inégalités sociales et scolaires
Enfin, il est aussi reconnu que les élèves issus de milieux modestes peuvent faire face à plus d’obstacles qui les éloignent de l’école et creusent les inégalités scolaires :
- coût de la scolarité
- besoin de travailler plus jeune
- contexte familial : faible soutien ou manque d’implication des parents dans la vie scolaire
Tous ces enjeux peuvent accroître les risques de désintérêt pour l’école.
Toujours selon l’Étudiant , le décrochage est nettement plus important chez les élèves dont les parents sont sans emploi (38 %), ouvriers non qualifiés (19 %) ou employés (13 %), que ceux dont les parents sont enseignants, cadres ou exercent une profession libérale (4 %). Les inégalités scolaires territoriales jouent aussi : certains départements et régions sont moins à risque et d’autres beaucoup plus (DOM-TOM, Aisne, Yonne, Occitanie).
Quels sont les signes annonciateurs ?
Le décrochage scolaire peut être « actif » ou « passif ». Voici comment repérer les signes de l’étudiant démotivé à risque de décrochage.
L’abandon scolaire actif
Dans le premier cas, l’élève a conscience qu’il perd pied mais adopte une « attitude camouflage » pour rassurer l’entourage, cache ses notes à ses parents, rassure sur ses absences, masque son mal-être, fuit les questionnements…
On parle ici de décrochage qui approche à bas-bruit avant de se déclarer brutalement, surprenant tout l’entourage.
Le décrochage scolaire passif
Dans le cas d’un décrochage passif, ce sont les facteurs extérieurs qui peuvent mettre sur la voie : l’élève subit une situation familiale difficile, ses problèmes personnels prennent le dessus et l’empêchent de se concentrer et même s’il est en classe, « sa tête est ailleurs ».
Les signes du décrochage chez l’élève
De nombreux signaux peuvent mettre sur la piste d’un futur décrochage scolaire. Ils sont de deux ordres, comportemental et scolaire.
Du côté du comportement, l’élève peut présenter des signes de décrochage progressif et de désengagement physique :
– Retard et absentéisme ;
– Inattention, bavardage, agitation ;
– Difficulté de concentration ;
– Mutisme, repli sur soi, isolement ;
– Comportement perturbateur ;
– Fatigue et anxiété chroniques ;
– Impossibilité de prendre du recul, hypersensibilité ;
– Difficultés d’endormissement, cauchemars fréquents…
– Anorexie, boulimie, hypocondrie…
– Signes de phobie scolaire (anxiété, angoisse, maux de ventre…)
Du côté scolaire, on peut prendre en compte plusieurs facteurs :
– Baisse brutale des résultats ;
– Absence de connaissances de base dans plusieurs matières ;
– Incapacité à rattraper les retards accumulés ;
– Absence de réflexion et fonctionnement automatique face aux exercices ;
– Perte de motivation quelle que soit la matière et les activités proposées ;
– Difficultés de compréhension et de mémorisation…
Ce faisceau de signes exprime un mal-être scolaire évident et doit alerter tout son entourage. Un travail d’accompagnement de l’élève doit alors permettre qu’il se reconnecte à sa motivation. Retrouvez tous les signaux à repérer sur le site de l’Académie de Versailles.
Agir… en équipe
Tout le monde est concerné par le décrochage scolaire : des familles à la communauté éducative, en passant par les autres élèves.
Les camarades de classe
Ces derniers ont un rôle déterminant pour l’ambiance de la classe et les conditions de bien-être et de soutien de leurs pairs. Le harcèlement scolaire est l’attitude à éradiquer à tout prix pour éviter de fragiliser et exclure certains élèves.
Les enseignants
Du côté des professeurs, il est bien sûr évident qu’il faille tenir compte des difficultés et des différents niveaux au sein de leurs classes. Sans un minimum d’approche « humaine », l’enseignant peut décourager certains jeunes par des cours trop théoriques, un manque d’intérêt pour eux et un certain autoritarisme. Résultat : découragement, ennui, désaffectation !
Dans chaque établissement scolaire public, il est prévu la mise en place d’un Groupe de Prévention du Décrochage Scolaire (GPDS) pour prévenir le décrochage avec des enseignants habilités CPLDS (Certificat de Professionnalisation en matière de Lutte contre le Décrochage Scolaire).
Les parents
Quant à la famille, il est bien sûr essentiel qu’elle puisse montrer le chemin de la motivation à son enfant ou adolescent : s’intéresser à sa scolarité, être à l’écoute de ses goûts et ses centres d’intérêts, l’encourager, lui donner des moyens concrets pour réussir… sont des attitudes plus propices à sa motivation. La lutte contre le décrochage scolaire ne peut se faire efficacement qu’en équipe. En tant que parent, il est important d’alerter la communauté éducative – et vice versa — et de mettre en place une « veille » avec des personnes ressources essentielles, au sein du cercle familial, amical, scolaire, médical, qui peuvent accompagner et contribuer à « raccrocher » l’élève qui perd pied.
Au Québec, il est reconnu que l’approche solidaire (vs approche individualiste française) est plus efficace pour faire face à l’impératif de scolariser 100 % d’une classe d’âge.
Des leviers de motivation et les arguments pour ne pas quitter l’école
Les témoignages d’élèves décrocheurs qui ont du recul
Les témoignages d’élèves ayant choisi de quitter précocement le système scolaire sont précieux car ils sont tangibles et émanent de personnes neutres (autres que les parents ou les enseignants). Par exemple, la chanteuse Suzanne a témoigné de son ennui, de son anxiété de performance qui ont motivé sa sortie précoce du lycée en première. Elle en parle dans le podcast InPower : « J’ai envie de passer un petit message aux décrocheurs parce qu’on en souffre encore […] même ceux qui ont réussi à faire leur vie […]. Il y a toujours cette culpabilité de ne pas être allé au bout de la ligne d’arrivée. Mais je pense que c’était une trop forte pression pour moi, et je trouve que cette pression, on la met très vite sur les enfants. À 6 ans on te dit déjà qu’il te faudra ton bac, donc on sait que c’est un objectif que tu ne peux pas louper et moi, ces trucs-là je les loupe d’avance parce que ça me fait trop peur. […] Derrière il a fallu construire ma vie sans diplôme. »
Par ailleurs, le site La Bouture rassemble des témoignages de décrocheurs scolaires, très pertinents à faire lire aux jeunes qui seraient tentés de tout quitter.
Les dispositifs de remotivation scolaire :
Les leviers concrets pour relancer la motivation scolaire sont :
- l’aide aux devoirs,
- un suivi psychologique éventuel,
- des conseils à l’orientation,
- la possibilité d’effectuer des stages dans des domaines professionnels qui peuvent intéresser le jeune,
- l’inscription à des activités scolaires ou extra-scolaires motivantes…
Les arguments en faveur de la poursuite d’études
Il peut être très utile de consacrer du temps à la discussion pour transmettre les messages-clés : un diplôme est souvent indispensable pour accéder à un emploi stable et bien rémunéré… et donner plus de liberté dans sa vie d’adulte alors que quitter l’école trop tôt limite fortement les possibilités de formation ou de carrière.
Ensuite, faire des études et se dépasser développent la confiance en soi car c’est se prouver qu’on est capable, essentiel pour se sentir heureux.
Enfin, continuer d’étudier est un moyen de se constituer un réseau amical important, de créer des liens qui permettent de se construire socialement plutôt que de se retrouver tout seul.
En cas de grande difficulté, il est essentiel de laisser entrevoir qu’il est possible de trouver un parcours plus adapté – voie professionnelle par exemple – sans pour autant tout abandonner. Rien n’est figé !
Solidarité et communication au Lycée La Jonchère
Au lycée La Jonchère, le facteur humain et les valeurs de bienveillance, de solidarité et d’entraide sont essentielles pour la motivation même des plus « fragiles ». Ainsi, dès leur arrivée en 6e, les collégiens sont accompagnés par un plus grand, dans le cadre du « mentoring ». Ils se sentent immédiatement pris en compte et valorisés par un plus grand qui leur sert de modèle, les rassure et contribue à leur motivation.
D’ailleurs le développement des « soft-skills» fait partie du programme de l’établissement pour aider les élèves à mieux se connaître et à apprécier leurs qualités et prendre confiance en eux. Pour prévenir des situations de harcèlement, la médiation et la communication Gordon sont des outils concrets qui leur sont transmis pour régler les conflits et faciliter l’expression de leurs émotions.
Toute l’équipe éducative est attentive à chaque élève dans une approche personnalisée qui facilite la détection des baisses de régime.
Enfin, entretenir des liens privilégiés avec les parents d’élèves contribue à mieux connaître les situations familiales, sociales et médicales et, dans une approche très bienveillante, effectuer un suivi des risques de décrochage, « tous ensemble ». Cela permet aussi de fournir une aide de l’équipe pédagogique aux parents, très souvent démunis face à la volonté de fin d’études de leur enfant.
Les dispositifs de lutte contre le décrochage des pouvoirs publics en France
Le Ministère de l’Education Nationale en France s’engage aussi pour mettre à disposition du public des outils de lutte contre le décrochage scolaire parmi lesquels :
Les réseaux FOQUALE (FOrmation – QUALification – Emploi) formés des établissements d’enseignement, des CIO, des Missions de Lutte contre le Décrochage Scolaire (MLDS), des structures de retour à l’école (SRE) comme les microlycées.
Des PSAD (Plateforme de Suivi et d’Aide aux Décrocheurs), mises en place à l’échelle des Académies de l’Education Nationale, comme celle de Poitiers, pour les jeunes ayant quitté le système scolaire avant l’obtention du bac ou d’un CAP.
L’obligation de formation des jeunes de 16 à 18 ans déscolarisés (introduite par la loi n° 2019-791 du 26 juillet 2019 ). Numéro de contact téléphonique gratuit : 0800 122 500. Ce sont les missions locales qui s’assurent du respect de cette obligation. Avec les CIO, elles appuient le suivi et l’aide aux décrocheurs en proposant un parcours personnalisé.
Le dispositif 1 jeune 1 solution pour les 15-30 ans pour les jeunes NEET (ni en étude, ni en emploi, ni en formation).
Les Écoles de la deuxième chance (E2c) accueille les décrocheurs en fin de collège pour des stages en entreprise. Dans les 46 écoles, elles accueillent 17 000 jeunes avec un taux de 62 % de sorties positives.
L’EPIDE (établissement public d’insertion dans l’emploi) accueille 4 000 jeunes décrocheurs jusqu’à 25 ans pour des stages de 8 mois dans ses 20 centres en France.
Les dispositifs de professionnalisation dans l’armée avec le SMA (Service Militaire Adapté) et le SMV (Service Militaire Volontaire)
Pour les lycées professionnels (particulièrement touchés par la problématique), des programmes de lutte contre le décrochage spécifiques ont été développés : Tous droits ouverts et Ambition emploi.
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