Le cadre légal des collèges privés hors contrat
Saviez-vous que le droit de choisir son mode d’instruction est un droit fondamental en France ? Depuis les lois sur l’instruction obligatoire du 28 mars 1882 – dites lois Jules Ferry – les parents sont en effet libres de choisir le mode d’éducation qu’ils jugent meilleur pour leurs enfants et le mieux adapté à leurs valeurs. Aussi est-on libre de choisir l’école à domicile, l’enseignement dans un établissement public ou l’enseignement privé sous contrat ou hors contrat. Selon les principes de la République, si la scolarisation n’est pas obligatoire, l’instruction en revanche est incontournable. Celle-ci est définie par la loi Avenir de l’école du 23 avril 2005 comme étant « d’une part l’acquisition des instruments fondamentaux du savoir, des connaissances de base, des éléments de la culture générale et, selon les choix, de la formation professionnelle et technique et, d’autre part, l’éducation lui permettant de développer sa personnalité, son sens moral et son esprit critique, d’élever son niveau de formation initiale et continue, de s’insérer dans la vie sociale et professionnelle, de partager les valeurs de la République et d’exercer sa citoyenneté ».
Concernant l’enseignement en établissements privés hors contrat du premier et second degrés et l’instruction en famille (IEF), l’Etat est intervenu très récemment pour en modifier les conditions. La loi confortant le respect des principes de la République, dite la loi « contre le séparatisme » du 24 août 2021 a en effet durci les obligations et les sanctions des établissements privés et des conditions d’exercice de l’école à la maison. Quelles en sont les grandes dispositions ?
Plan de l'article
Les écoles privées hors contrat de plus en plus attractives en France
En une dizaine d’années, le nombre d’établissements privés hors contrat a fait un bond de près de 110 % en France. En 2021, 121 écoles hors contrat ont ouvert, soit 30 de plus qu’en 2020. Aujourd’hui, près de 1700 écoles privées hors contrat accueillent plus de 85 000 élèves sur tout le territoire.
Au sein de ces établissements scolaires, l’équipe pédagogique n’est pas obligée de suivre les programmes de l’Education nationale, ni de respecter le rythme et les horaires de l’enseignement public. En revanche, elle doit donner aux élèves les moyens d’acquérir les « connaissances du socle commun de connaissances et de culture » du CP à la 3e. Souvent bilingues, les écoles privées hors contrat s’inspirent dans la plupart des cas des principes des pédagogies alternatives et positives inspirées par Maria Montessori, Célestin Freinet ou Rudolf Steiner… Elles fonctionnent parfois en coopératives ou en associations, se situent proches de la nature (comme les Forest Schools), encouragent et favorisent l’expérience concrète et l’autonomie de l’enfant, ce qui peut expliquer l’engouement qu’elles suscitent.
Les écoles privées hors contrat sont confessionnelles – catholiques, protestantes, juives et musulmanes – dans 30 % des cas et laïques dans 70 % des cas en France.
Le principe des contrôles administratifs et pédagogiques des établissements privés hors contrat
Au sein des établissements privés hors contrat, l’État ne prend pas en charge la rémunération des enseignants, l’établissement se chargeant de les recruter et les rémunérer. Les écoles primaires et secondaires hors contrat sont inspectées dès la première année de leur fonctionnement par les inspecteurs de l’Education nationale sur le plan à la fois administratif et pédagogique. Le préfet et le recteur s’assurent que le directeur et les enseignants ont les diplômes nécessaires. Ils vérifient également que le fonctionnement de l’établissement assure l’ordre public, la prévention sanitaire et sociale et la protection de l’enfance et de la jeunesse. Le recteur s’assure que les enseignements permettent aux enfants d’acquérir les connaissances du socle commun de connaissances. Le chef d’établissement d’une école, collège ou lycée privés hors contrat doit avoir exercé des fonctions de direction, d’enseignement ou de surveillance dans une école publique ou privée d’un pays de l’UE pendant 5 ans.
L’impact de la loi du 24 août 2021 : les établissements privés hors contrat de plus en plus encadrés
Dans un souci de renforcer la laïcité et la neutralité de l’instruction hors contrat, l’Etat exerce depuis 2022, un contrôle plus important sur le fonctionnement, le personnel, le financement et les enseignements pédagogiques des établissements privés hors contrat. La loi du 24 août 2021 dite « loi contre le séparatisme », demande aux écoles privées hors contrat des garanties de fonctionnement et de valeurs compatibles avec celles de la République.
Dès leur fondement, les établissements scolaires privés hors contrat devront adopter une charte « des valeurs et principes républicains » et appliquer un principe de régularité d’exercice de l’établissement, l’Etat s’engageant à garantir l’exercice des établissements privés « régulièrement ouverts ». Avant la loi du 24 août 2021, le contrôle de l’Etat se limitait aux titres exigés des directeurs et des enseignants, à l’obligation scolaire, à l’instruction obligatoire, au respect de l’ordre public, à la prévention sanitaire et sociale et à la protection de l’enfance et de la jeunesse. Désormais, l’Etat contrôle également les personnels, y compris leur nationalité. Les établissements d’enseignement privé hors contrat doivent ainsi communiquer au rectorat « les noms des personnels ainsi que les pièces attestant leur identité, leur âge, leur nationalité et, pour les enseignants, leurs titres. » Un contrôle est également opéré sur le financement de ces écoles privées hors contrat. A la demande du rectorat ou du préfet, les écoles devront fournir « les documents budgétaires, comptables et financiers qui précisent l’origine, le montant et la nature des financements».
L’instruction en famille (IEF), un nouveau cadre légal
Autorisée dans toute l’Europe, sauf en Allemagne, l’école à domicile compte en France 62 000 élèves, contre 41 000 en 2019 et entre 30 000 et 35 000 en 2017. L’instruction à domicile est donnée «par les parents, ou l’un d’entre eux, ou toute personne de leur choix ». Aucun diplôme particulier n’est requis pour assurer cet enseignement, les parents devant seulement en faire la déclaration au maire et au rectorat. L’IEF fait l’objet d’un contrôle administratif et d’un contrôle pédagogique une fois par an pour vérifier « que l’instruction dispensée au même domicile l’est pour les enfants d’une seule famille et que l’enseignement assuré est conforme au droit de l’enfant à l’instruction (acquisition des instruments fondamentaux du savoir, des connaissances de base, des éléments de la culture générale, du sens moral de l’esprit critique…) ».
La loi du 24 août 2021 a modifié le régime administratif de l’IEF. Pour instruire à la maison, une simple déclaration n’est plus acceptée. Il s’agit aujourd’hui d’effectuer une demande d’autorisation d’instruction en famille, soumise désormais, à quatre motifs : l’état de santé de l’enfant ou son handicap, la pratique d’activités sportives ou artistiques intensives, l’itinérance de la famille en France ou l’éloignement géographique de tout établissement scolaire public, l’existence d’une situation propre à l’enfant motivant le projet éducatif, sous réserve que les personnes qui en sont responsables justifient de la capacité de la ou des personnes chargées d’instruire l’enfant à assurer l’instruction en famille dans le respect de l’intérêt supérieur de l’enfant. Dans ce cas, la demande d’autorisation comporte une présentation écrite du projet éducatif, l’engagement d’assurer cette instruction majoritairement en langue française ainsi que les pièces justifiant de la capacité à assurer l’instruction en famille.
Les associations, comme Libres d’apprendre et d’instruire autrement (LAIA), se sont mobilisées pour dénoncer l’atteinte à la liberté d’instruire inscrite dans nos lois fondamentales. Une autorisation de plein droit a été prévue pour les familles pratiquant déjà l’instruction à domicile dans des conditions satisfaisantes jusqu’à l’année scolaire 2023-2024, sans toutefois remettre en cause les nouvelles restrictions instituées par la loi.
Chiffres Ministère de l’Education nationale