Le syndrome de l'expatrié existe-t-il chez les enfants qui reviennent à l'école en France ?
Un retour en France après plusieurs années d’expatriation est loin d’être une démarche simple pour les familles concernées. Lors d’une réinstallation se pose la question de la réadaptation car bien souvent, le « sentiment d’être étranger à son propre pays » domine pendant quelque temps. Comment se traduit le syndrome de l’expatrié chez les enfants qui rentrent en France ? Comment le surmonter le cas échéant lors de la reprise de la scolarité française.
Plan de l'article
Expatriés français : les chiffres et les pays d’accueil
Plus d’1,6 million de Français vivent officiellement à l’étranger mais l’inscription au registre des Français établis hors de France n’étant pas obligatoire, le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères estime que cette communauté compte globalement 2,5 millions de personnes.
Dans l’ordre, ce sont la Suisse, les États-Unis, le Royaume-Uni, la Belgique et le Canada qui accueillent le plus de Français expatriés.
La majorité part de façon durable pour travailler soit pour des entreprises étrangères, soit pour le compte d’entreprises ou de services publics français, pour plus de 5 ans dans la grande majorité des cas. En effet, si les contrats de détachement prévoient une expatriation en moyenne de 6 mois à 3 ans, voire 6 maximum selon les accords entre pays, les contrats d’expatriation et les contrats de droit local sont à durée indéterminée. Ainsi, selon l’Observatoire de l’expatriation, moins de 3 Français expatriés sur 10 prévoient de revenir en France.
Bien souvent, ce sont de meilleures conditions de vie professionnelle et un cadre de vie familial plus agréable qui motivent la prolongation de leur séjour à l’étranger. Le retour en France, lorsqu’il advient, peut donc s’avérer brutal pour beaucoup d’enfants et adolescents français qui sont parfois nés et qui ont grandi sous d’autres horizons.
Peut-on parler de syndrome de l’expatrié, dans ce cas, chez l’enfant qui rentre dans son pays d’origine ?
Syndrome de l’enfant expatrié, un stress émotionnel à prendre en compte
Une expatriation vers un pays étranger peut être très difficile à vivre pour certains membres de la famille, notamment pour les adolescents : déménager loin de leur pays peut être vécu comme un arrachement à leur milieu familier et sécurisant, une rupture avec leur environnement amical alors qu’ils cherchent à ce moment précis à affirmer leur autonomie par rapport à la famille. Pour certains, l’aventure peut représenter un véritable crève-cœur !
Les réactions des jeunes expatriés peuvent être plus ou moins pénibles : au pire un isolement, un mutisme, avec perte d’appétit et difficultés de sommeil, au mieux des bouderies et rechignements à participer au mouvement de départ ou d’arrivée. Cette période délicate doit être prise bien au sérieux, anticipée et traitée du mieux que possible pour soutenir, réconforter, motiver et faire ressortir tous les bons côtés de ce bouleversement de vie et parvenir à l’acceptation. Ces réactions de rejet, très naturelles et compréhensibles chez ceux qui quittent leur pays natal, sont-elles aussi fortes chez ceux qui y reviennent et ce même après de longues années d’absence ? Autrement dit, le syndrome de l’expatrié existe-t-il chez les jeunes revenant à l’école en France ?
Enfants expatriés, « enfants de troisième culture »
La réponse peut se trouver dans la construction de l’enfant lors de l’expérience internationale de l’expatriation. Dans le cas d’un séjour prolongé à l’étranger, on parle en effet « d’enfants de troisième culture. » Cette notion de « Third Culture Kids » (TCK) est apparue dans les années 50. Définie par le sociologue américain David C. Pollock et la chercheuse Ruth Van Reken, elle caractérise les jeunes qui ne peuvent s’approprier ni complètement la culture de leurs parents, ni celle du ou des pays où ils vivent. En grandissant entre plusieurs mondes, ces jeunes « TCK » finissent par développer leurs propres modèles culturels, styles de vie et modes de pensées, sorte de synthèse culturelle très spécifique, qui ne peut être partagée qu’avec d’autres jeunes expatriés à même de les comprendre. Les « TCK » se forgent ainsi une identité propre, en dehors des critères et repères que connaissent les jeunes non expatriés. Les « TCK » concernent aujourd’hui de plus en plus de jeunes dont le nombre augmente au vu de la mobilité internationale croissante des familles. Lorsque ces enfants « TCK » rentrent en France après plusieurs années, on peut comprendre aisément que le sentiment d’être étranger à leur propre pays peut les gêner. Mais pour autant, cette singularité peut être aidante pour surmonter leurs difficultés.
Des capacités d’adaptation et une ouverture au monde accrues
Les jeunes ayant vécu l’expérience de l’expatriation ont une ouverture différente au monde. La maîtrise d’une ou de plusieurs langues étrangères, le fait de côtoyer des milieux de cultures diverses, d’avoir découvert des pays lointains, tout cela développe des capacités d’adaptation et une vision plus large et globale du monde. Un enfant qui a beaucoup déménagé a dû s’adapter de nombreuses fois et ayant baigné dans un environnement étranger et/ou international, est certainement plus tolérant et ouvert aux autres. Ces qualités sont précieuses pour aborder un retour à l’école en France, même si le choc peut être rude, car bon nombre d’élèves français peuvent ne pas comprendre cette « différence culturelle » que représente le jeune « TCK ». L’effort pour ce dernier sera de s’ouvrir aux autres pour se faire accepter et éviter la stigmatisation et l’isolement à l’école. Or, cet effort n’est pas hors de portée pour lui qui a développé une belle capacité d’adaptation tout au long de son expatriation.
Un autre point à retenir lorsque l’enfant expatrié rentre en France est le fait de « rentrer chez lui ». En effet, la famille est partie avec le projet à plus ou moins long terme de revenir un jour, de retrouver ses racines et ses proches dans un temps déterminé. Par conséquent, psychologiquement, le bouleversement du retour peut être perçu moins brutalement chez l’enfant qui rentre d’expatriation par rapport à celui qui part et le syndrome de l’expatrié affaibli du fait de cette anticipation.
Se réadapter à l’école française : privilégier le réseau des établissements français à l’étranger
Rentrer de quelques années d’expatriation pose la question du niveau scolaire en France. Ce dernier dépend du type d’établissement fréquenté à l’étranger. Certains expatriés adoptent les écoles dites « internationales » dont les enseignements se transmettent principalement en anglais. Ces établissements proposent des méthodes d’enseignement innovantes tout en transmettant des cultures, langues et traditions du monde. Cette ouverture pédagogique et culturelle est idéale pour s’épanouir dans un monde de plus en plus globalisé.
Toutefois, un enfant expatrié ayant suivi un tel cursus ne pourra pas facilement se réintégrer à l’école française pour deux raisons : la scolarisation internationale peut faire perdre à l’élève le lien avec sa langue maternelle et perdre son niveau en langue et il rencontrera des difficultés. A contrario, son niveau d’anglais sera bien meilleur que celui des autres élèves et le niveau d’enseignement insuffisant pour combler ses besoins.
Si l’enfant a été scolarisé dans l’un des 500 établissements du réseau de l’agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE), son adaptation au programme français sera simplifiée. Présents dans 139 pays, les écoles françaises respectent les programmes de l’Éducation Nationale et préparent aux examens et diplômes français. Ainsi, les enfants qui y sont scolarisés reçoivent le modèle éducatif français et la même qualité de l’enseignement que ceux de la métropole. La richesse de ces établissements réside dans la présence, en plus des enseignants français détachés sur missions, de professeurs engagés sous contrat local qui maîtrisent la langue française. C’est le cas notamment dans les pays francophones où la mixité avec élèves et enseignants locaux est facilitée par la langue commune.
Enfin, dernière possibilité, la scolarisation dans une école locale. Au niveau des petites classes maternelles, cette option est tout à fait intéressante pour acquérir naturellement la langue du pays et devenir bilingue sans effort. Cependant, l’école locale peut constituer un frein à l’apprentissage de la lecture et de l’écriture en français et affaiblir le niveau de l’élève lorsqu’il intègre une école française.
Des enfants expatriés à La Jonchère
Le collège-lycée La Jonchère accueille des élèves ayant vécu une expatriation ou vivant l’expatriation en France et dans le même temps, leurs difficultés à la fois linguistiques, scolaires et sociales.
Dans le climat de bienveillance qui caractérise l’école, ces élèves se sentent plus facilement à l’aise : l’équipe pédagogique est toujours très attentionnée à leur égard, favorisant leur accueil par leurs camarades français à travers les différentes animations de la vie scolaire, le séjour d’intégration de rentrée, un voyage scolaire…
Par ailleurs, dans un établissement où l’anglais est enseigné par des professeurs anglophones et où certains élèves français n’ont aucune inhibition à pratiquer l’anglais au quotidien, la barrière de la langue est beaucoup moins imposante. Le fonctionnement même de l’école et son organisation se rapprochent de certains modèles étrangers que ces élèves ont pu connaître.
Enfin, dans son approche sur mesure des apprentissages, l’école fait en sorte d’adapter le niveau de cours aux élèves étrangers qui n’ont pas suivi le cursus français. Ils sont ainsi invités à « faire tout ce qu’ils peuvent » sans subir de pression, et à leur rythme… Tout comme les nouveaux élèves qui s’adaptent chaque année, les élèves étrangers ont la chance de pouvoir s’épanouir dans un environnement scolaire soutenant qui les aide à surmonter leur éventuel syndrome d’expatrié.
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